Le ciel s'étirait dans une douce lueur dorée alors que le soleil déclinait sur La Martais. Un vent léger parcourait les champs, faisant danser les hautes herbes et frissonner les feuilles des pommiers. Assis sur une vieille pierre couverte de mousse, Diben observait la brise qui s'engouffrait entre les branches, jouant avec les pétales des fleurs sauvages.
Il ferma les yeux. Il sentait le vent lui effleurer la peau, s'enrouler autour de ses cheveux roux, glisser sur ses bras comme un ruisseau invisible. Depuis quelque temps, il avait l’impression qu’il pouvait entendre des murmures dans la brise. Pas des mots distincts, mais une musique secrète, un langage qu’il ne comprenait pas encore totalement.
Intrigué, il se leva et se laissa guider par le souffle du vent. Il marcha à travers les haies bocagères, pieds nus sur l’herbe fraîche, suivant une sensation étrange qui l’appelait au loin. Chaque pas semblait le rendre plus léger, comme si son corps s’effaçait doucement. Était-ce une illusion ? Ou quelque chose de plus profond, de plus ancien ?
Soudain, un souvenir l’envahit.
La Forêt de Brocéliande
Il se revit enfant, encore plus jeune qu’aujourd’hui, courant à travers les fougères de Brocéliande. Il riait, libre et insouciant, poursuivant les lucioles qui s’échappaient entre les troncs millénaires. Mais alors qu’il bondissait d’une racine à l’autre, une rafale soudaine le souleva légèrement du sol.
Il s'était arrêté net, le souffle court. Pendant un instant, il ne touchait plus la terre. Il flottait, porté par une force invisible. Il se souvenait encore du frisson qui l’avait parcouru ce jour-là, de la sensation étrange d’être fait d’air et de lumière.
Mais alors, comme un simple souffle d'été, la brise l'avait doucement reposé sur le sol. Il n'en avait jamais parlé à personne. Peut-être que ce n'était qu'un jeu du vent... ou bien un secret qu'il ignorait encore.
Le Premier Vol
De retour à La Martais, Diben ouvrit brusquement les yeux. Il venait de comprendre.
Il se tenait maintenant sur le sommet d’une butte, face aux champs ouverts et aux vergers baignés de lumière. Le vent soufflait plus fort, soulevant les brins d’herbe autour de lui. Il tendit les bras et ferma les paupières.
La brise l’embrassa. Son corps devint léger, plus léger qu’un grain de pollen.
Il ouvrit les yeux. Il ne sentait plus l’herbe sous ses pieds. Il flottait !
Il éclata de rire, tournoyant au gré du vent. Il n’était plus seulement un korrigan ; il était une brise, une rafale espiègle dansant au-dessus des haies. Il passa entre les branches d’un pommier, fit tournoyer les feuilles d’un chêne, courut avec les ombres du soir.
Mais un murmure lointain l’alerta. Il devait redevenir lui-même avant d’être emporté trop loin.
Il se concentra, pensa à son corps, à sa peau, à son poids. Il ferma les yeux et s’imagina, solide et ancré sur la terre.
Doucement, la brise ralentit.
Ses pieds touchèrent l’herbe humide.
Il ouvrit les yeux, haletant, le cœur battant d’excitation. Il l’avait fait. Il avait volé.
Un Nouveau Pouvoir
Diben leva les yeux vers le ciel où la lune commençait à apparaître. Un sourire étira ses lèvres. Il venait de découvrir une part de lui qu’il ne connaissait pas.
Le vent, son ami de toujours, lui avait révélé son secret.
Et ce n’était que le début.
02 - Diben, L'enfant du Vent