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05 - Diben et le bouton de rose séchée

Chapitre 5

Le matin n’était pas encore tout à fait levé.


Dans les prés encore perlés de rosée, un voile pâle flottait entre les herbes. Le silence, doux et feutré, était seulement troublé par le bruissement d’un merle dans un pommier, et le craquement discret d’une brindille.


Au bord du chemin, entre deux touffes d’ajoncs, un chevreuil observait la maison encore endormie. Il ne bougeait presque pas, mais une étincelle espiègle dansait dans son regard.

Car ce n’était pas un chevreuil ordinaire.


C’était Diben.


Cette nuit-là, le petit korrigan n’avait pas dormi. Un vent venu de l’ouest avait soufflé dans les feuilles, et avec lui, une envie de courir, de bondir, de sentir la terre autrement. Alors, sous un pommier penché, Diben avait fermé les yeux... et changé de peau.


En un souffle léger, ses boucles rousses s’étaient fondues dans un pelage brun doux, ses petites mains dans des pattes fines, et ses oreilles — déjà grandes pour un korrigan — s’étaient dressées plus haut encore.



Il était devenu un chevreuil.

Libre. Silencieux. Invisible aux regards pressés.

Enfin… presque.


Ce matin-là, la maison s’éveillait doucement.


Les volets grinçaient à peine, les pas étaient discrets sur les dalles de pierre. Une famille logeait là depuis la veille, venue chercher le calme du printemps et les premiers rayons du jour.


Dans le jardin encore couvert de rosée, une petite fille s’était levée la première. Elle tenait dans sa main un dessin froissé.


C’était un chevreuil, avec une drôle de petite mèche rousse sur le front.


Elle s’assit sur une pierre, pas loin du champ, et regarda devant elle. Il y avait quelque chose. Quelqu’un ?


Là-bas, à peine visible, le chevreuil observait. Il savait. C’était elle. La même petite fille que l’an dernier.

Celle qui l’avait caressé sans le savoir, quand, sous la forme d’un chat, il s’était glissé près du feu.



Elle avait murmuré, en le caressant doucement :

« T’es doux, toi… T’es un peu magique ? »


Il n’avait pas répondu, bien sûr. Un korrigan ne se trahit jamais. Mais il était resté longtemps blotti contre elle, jusqu’à ce qu’elle s’endorme.


Ce matin, elle ne le vit pas. Pas vraiment.

Mais elle leva la tête soudainement, le cœur qui bat un peu plus fort, comme si quelque chose venait de la frôler sans la toucher.

Ses yeux fixèrent un point entre les arbres… puis elle sourit.


Sans raison apparente.


Le chevreuil avait déjà disparu dans les bois.


Peut-être qu’elle ne dira rien. Peut-être qu’elle dessinera à nouveau, un jour, ce chevreuil à la petite tache rousse, un peu trop vive pour être naturelle.

Et peut-être qu’elle se demandera, en grandissant, si elle l’a vraiment vu, ou si c’était un rêve d’enfant.


Mais Diben, lui, savait. Et la forêt aussi.


Et au fond de la poche de sa tunique, dans un pli de mousse soigneusement roulé, il gardait encore un petit bouton de rose séchée, offert par la main d’une enfant, un soir de l’année passée.



Juste au cas où elle reviendrait.


✨ Car parfois, les korrigans prennent la forme des choses qu’on ne regarde pas assez longtemps. Juste assez pour qu’on s’en souvienne… avec un doute. ✨

05 - Diben et le bouton de rose séchée
Diben 24 février 2025
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