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07 - Quelque chose ronge le bois

Chapitre 7

Depuis quelques jours, le vent avait changé de ton dans le bois enchanté. Il ne sifflait plus joyeusement entre les branches. Il murmurait. Grave, bas, presque douloureux. Les feuilles elles-mêmes semblaient se replier sur elles, comme pour se protéger.

Diben n'était pas tranquille.

D'ordinaire, il aimait flâner entre les racines, saluer les escargots, faire la sieste sur le dos d'un blaireau endormi ou taquiner les grenouilles du petit ruisseau. Mais ces derniers jours, tout avait changé. Le ruisseau était à peine audible, et les grenouilles s'étaient tues.

Un matin, très tôt, alors que la brume était encore accrochée aux fougères, Diben convoqua un conseil.

Une chouette silencieuse descendit de son tronc creux. Un renard au pelage terne sortit de son terrier. Une famille de lièvres s'étaient regroupée au pied d'un vieux châtaignier. Même l'écureuil roux, habituellement si nerveux, était venu, les moustaches tendues par l'inquiétude.

Tous avaient remarqué la même chose : quelque chose d'étrange rongeait le bois.

Des troncs fendillés sans raison. Des mousses devenues noires. Des champignons étranges, gonflés comme des ballons, qui poussaient trop vite, trop nombreux. Les oiseaux avaient changé de territoire. Les racines étaient devenues capricieuses, craquant sous les pas. Il y avait aussi ces branches mortes, tombées au sol comme si le bois voulait se délester. Et ces boursouflures sur certains troncs, là où des repousses tentaient de renaître... à des endroits inattendus.

Et puis, il y avait eu le chêne.

Le grand chêne du centre du bois. Celui que les animaux saluaient toujours en passant. Celui dont l'écorce portait les traces de cent hivers, de mille jeux, de promesses soufflées et d'adieux murmurés.

Un matin, deux de ses plus grosses branches étaient tombées. Nettes. Comme brisées de l'intérieur. Diben avait passé des heures, silencieux, à caresser les nervures de ces membres tombés, comme on veille un ami malade.

Ce matin-là, au conseil, il n'y eut pas de grande révélation. Pas de solution magique. Pas de sort ancien. Juste des regards, lourds. Des silences. Et une décision : être présents. Veiller. Continuer à aimer ce bois, même s'il souffrait.

Le renard proposa de surveiller les endroits les plus sombres. La chouette se chargerait des hauteurs. Les lièvres, des clairières. Et Diben ? Lui, il irait parler aux pierres. Aux racines. Aux bruits de la terre. Peut-être que la forêt elle-même voulait dire quelque chose.

Les jours passèrent. Rien ne s'arrangea. Un arbre s'était effondré, un autre s'était figé. Le ruisseau avait changé de couleur. Et dans certains coins du bois, l'air semblait plus lourd.

Mais quelque chose avait changé : plus personne n'était seul. Tous veillaient. Tous écoutaient. Et même les pierres, parfois, vibraient très doucement.

Car dans un bois enchanté, la magie ne réside pas que dans la beauté des feuilles ou le chant des oiseaux.

Elle est dans la manière dont on s'inquiète. Dont on veille. Dont on espère sans savoir si cela suffira.

Et cela, Diben le savait mieux que personne.

07 - Quelque chose ronge le bois
Diben 22 février 2025
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