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Rochers sculptés de Rothéneuf

l’art brut face à l’océan

Informations utiles

Temps de route

1 h 08 min

Distance

 86 km

Sur les côtes escarpées de Saint-Malo, entre Cancale et la pointe de la Varde, se dresse un lieu aussi mystérieux que fascinant : les Rochers sculptés de Rothéneuf. En pleine nature, battus par les vents et les embruns, plus de 300 figures taillées dans la roche forment une fresque étrange et envoûtante. Ce site unique en Bretagne, à mi-chemin entre l’art et la spiritualité, est l’œuvre d’un homme : l’abbé Adolphe Julien Fouéré, dit l’abbé Fouré.

Un prêtre devenu sculpteur ermite

L’abbé Fouré naît en 1839 et exerce son ministère dans plusieurs paroisses d’Ille-et-Vilaine : Paimpont, Guipry, Forges-la-Forêt, Maxent et Langouët. En 1894, frappé de surdité, il est contraint d’abandonner ses fonctions de recteur à Langouët, malgré le soutien de ses paroissiens. Il se retire alors à Rothéneuf, à cinq kilomètres de Saint-Malo, et entame une nouvelle vie, solitaire, tournée vers la contemplation… et la création.

C’est là, entre ciel et mer, qu’il entreprend une œuvre monumentale, à même les rochers de granite. Pendant plus de 13 ans, de 1894 à 1907, il sculpte avec opiniâtreté les falaises, laissant derrière lui un univers peuplé de visages, de saints, de figures mythologiques et de personnages contemporains.

Une fresque taillée dans le roc

Le site sculpté s’étend sur un ensemble rocheux naturel dominant la mer. Les formes de la pierre guident la main de l’abbé, qui donne vie à plus de 300 figures. Certaines sont à peine esquissées, d’autres jaillissent presque entièrement du granite, dans un mélange de bas-reliefs et de statues dégagées. Ces œuvres étaient autrefois peintes de couleurs vives : bleu, jaune, grenat, chocolat… Les traits des visages étaient soulignés au goudron, aujourd’hui disparu.

Cette fresque en plein air, constamment exposée aux vents salés, est à la fois fragile et puissante. Elle raconte une histoire, celle de son créateur, mais aussi celle d’un monde vu à travers les yeux d’un prêtre devenu artiste.

Une inspiration foisonnante

Contrairement à ce que certaines interprétations ont pu suggérer, les sculptures de l’abbé Fouré ne racontent pas la vie d’une famille de contrebandiers ou de pirates. Il s’agit plutôt d’une galerie de personnages réels ou symboliques, inspirés de l’actualité de son époque, de l’histoire religieuse, et de ses lectures personnelles.

L’abbé était un homme cultivé, passionné d’histoire et de géographie, lisant des journaux comme Le Salut ou L’Ouest-Éclair. Il se nourrissait aussi de la presse locale, et des événements mondiaux. On retrouve ainsi dans ses œuvres une scène de la guerre du Transvaal, avec des personnages comme le président Krüger ou le colonel de Villebois-Mareuil.

Saints, légendes et figures bretonnes

En bon catholique et patriote, l’abbé Fouré puise également dans l’imaginaire religieux et régional. Il sculpte Saint Budoc, représenté deux fois, mais aussi Saint Yves, et même Gargantua, le géant mythique dont la légende résonne aussi à Saint-Suliac. On croise encore la mère Michel et son chat, une marchande d’huîtres, ou Andréa la charmeuse. Son œuvre fourmille de figures à mi-chemin entre folklore, satire et évangélisation.

Son attachement au territoire est manifeste, notamment à travers les représentations de Jacques Cartier, célèbre explorateur né à Saint-Malo, que l’abbé sculpte aussi bien dans la roche que dans le bois, dans sa maison du bourg.

Un musée disparu : l’Hermitage de Rothéneuf

Outre les sculptures en plein air, l’abbé a également produit des œuvres en bois, qu’il conservait dans sa maison, surnommée la Haute Folie, l’Hermitage de Rothéneuf ou encore Maison de l’Ermite. Ce lieu étrange, entouré d’un mur crénelé et gardé par des têtes hilares, accueillait un musée naïf, aujourd’hui disparu.

On y trouvait des galeries aux noms évocateurs – Infernale, Mystique… – peuplées de totems, de saints, d’animaux fabuleux et de personnages politiques. L’abbé y vivait retiré, fidèle à sa devise : “Amor et Dolor” (Amour et Douleur), gravée sur son fauteuil. Ce musée a été profondément modifié après sa mort, et les œuvres en bois ont été perdues.

Une fin de vie discrète et émouvante

En 1907, l’abbé Fouré est frappé par une paralysie et des troubles de l’élocution. Il ne peut plus sculpter, mais reste dans sa maison, où il meurt le 10 février 1910, à l’âge de 71 ans. Il repose au cimetière de Rothéneuf, non loin des falaises qu’il a transformées en œuvre d’art.

Son travail, bien qu’isolé, était déjà reconnu de son vivant. Des articles lui sont consacrés dans la presse, et dès 1925, plus de 80 000 visiteurs se rendent chaque année à Rothéneuf. En 2012, malgré l’érosion, le site attire encore environ 40 000 curieux par an.

Un patrimoine fragile et menacé

Le site des rochers sculptés est aujourd’hui en danger. L’érosion naturelle, les embruns, le vent, les mousses et le piétinement menacent gravement la lisibilité des sculptures. Une inspection de la DRAC en 2009 jugeait leur état de conservation “alarmant”. Les couleurs ont disparu, et certaines figures sont à peine visibles.

Malgré l’importance patrimoniale de l’œuvre, le site n’est ni classé ni inscrit aux monuments historiques. Il reste privé et l’accès à la visite est payant. Peu de mesures de protection sont mises en place, et le temps poursuit son œuvre destructrice.

Des initiatives pour préserver la mémoire

Face à ce constat, une association des amis de l’œuvre de l’abbé Fouré a vu le jour en 2010. Elle se donne pour mission de faire connaître l’artiste, de sensibiliser le public et de promouvoir des actions de sauvegarde. Elle organise des expositions, des visites commentées, et publie des recherches pour mieux comprendre l’homme et son art.

Des visites virtuelles ont également été proposées, notamment en 2020, pour permettre au plus grand nombre de découvrir ce lieu étonnant sans l’endommager davantage.

Pourquoi visiter les Rochers sculptés ?

Visiter les Rochers sculptés de Rothéneuf, c’est plonger dans l’univers d’un homme singulier, un ermite sculpteur animé par la foi, la mémoire et la création. C’est découvrir un art brut, instinctif, profondément enraciné dans la Bretagne, mais ouvert sur le monde.

C’est aussi un voyage dans le temps, une promenade face à la mer où chaque visage de pierre raconte une histoire. C’est enfin un appel à la préservation, car cet héritage fragile mérite toute notre attention.

Informations pratiques

🎟️ Accès payant – Site privé

📅 Horaires variables selon la saison

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Rochers sculptés de Rothéneuf
Diben 29 mars 2025
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